Record
battu : 9 feuillets dans cet envoi
La pensée du jour: « nul bien sans peine »
L’ampoule la plus importante au pied gauche est toute
sèche ; plus besoin de « compeed ».
Le soir, encore quelques courbatures aux chevilles et au bas
des jambes et un point douloureux sur la fesse gauche.
J’ai appris à bien
ajuster mon sac : en modifiant le réglage des sangles, je peux reporter la
charge d’un côté ou de l’autre. Ce matin, un point douloureux au niveau des
reins, à gauche. Dans la journée, je ne dois pas m’arrêter trop longtemps à
cause de l’échauffement des pieds et il me faut quelques temps pour que tout se
remette en place; le soir après une demi-heure d’arrêt, je marche très
mal, la récupération est très longue ; pendant la nuit, les douleurs
s’estompent et au matin, c’est super...
Bien que seul pendant la journée, j’arrive à occuper mon
esprit tout en marchant : c’est mon bâton qui rythme mon pas. Ah ! ce
petit bonhomme toujours dodelinant à l’avant.
Dans la tente, plier et ranger, c’est terrible, car ça
m’oblige à des contorsions très difficiles pour moi (du fait de mon
gabarit) : enfiler les chaussettes en position allongée, enfourner le
duvet compressible dans le sac, rouler le matelas dégonflé, tout ranger au
mieux dans le sac et après, seulement après, démonter, plier et ranger la
tente. Quand tous ces gestes sont accomplis, la recherche d’un café pour un bon
double bien chaud... et peut-être un croissant !
Les tourterelles s’agitent et roucoulent au dessus de ma
tête, sans doute pour me rappeler le foyer de mon enfance. Je referme le carnet
de notes et bonne nuit...
Au revoir l’école de musique .... Je m’excuse auprès du
patron pour les aléas de la réservation d’une chambre, mais ça aurait été
dommage de ne pas monter la tente. Au café de la gare, un bon café et un pain
au chocolat.
J’ai suivi le chemin du pèlerin ; Dans les prés, les
chevaux revêtus de leur manteau de toile cirée s’approchent pour me saluer, en
hochant l’encolure ; ils m’adressent un regard tendre.
C’est étonnant combien l’évaluation des distances peut être
approximative : aujourd’hui, c’était bon pour moi : 10 km au lieu des
15 prévus. Ce midi, je me confectionne un sandwich à l’épicerie arabe du
coin ; dans l’armoire réfrigérée des boissons, que de la bière ! je lui
demande une bouteille d’eau : de l’arrière boutique, il sort une eau soit
disant fraîche (je te jure, mon frère !).
Restent 9 km pour arriver, je me fais violence pour être ce
soir à Neuillé Pont Pierre ; J’arrive à proximité du centre de loisirs
avec karting ; le patron m’indique un coin tranquille près de l’aire de
pique-nique.
La bonne condition de marche sur une route dépend grandement
du profil bombé du revêtement : alors j’adopte alternativement l’un ou
l’autre côté de la route, suivant « l’humeur » de mes pieds. Bientôt
16h, je prends un pot au stand du karting ;un écolier de CE1 fait ses
devoirs : il s’en sort bien à en juger sa récitation et il apprend bien.
Je m’enhardis pour
sonner aux portes et demander l’hospitalité pour monter ma tente ; j’étais
hésitant les premiers jours, parfois confus, même; aujourd’hui j’y prends même un
malin plaisir. D’abord les mots : Saint Jacques, pèlerin; puis les
arguments de charité, chrétienneté, d’humanité : alors, les personnes ,
surtout les femmes, ont cette réaction : « prions, mais pas de ça
chez nous » ; plus tard, le souvenir de mon passage leur reviendra un
jour ou l’autre. Les hommes sont plus ouverts à ce genre de situation : « je
pense le faire, j’aimerais le faire, je le ferai ».
Bientôt Tours, nous verrons ce que le chemin me
réserve : bonne nuit.
Au loin, le toc toc du pivert ; lumière du colza sur la
route qui fait oublier le temps maussade ; je suis équipé pour me protéger
de la pluie ; pour la journée, un bon café et flan nature offert par le
boulanger : voilà comment s’engage une bonne et belle journée. A midi
arrêt dans un café : on me propose une omelette salade : 5€, pour l’effort
accompli. Tours à 12 km, c’est faisable.
Tout prêt de Tours, je m’engage sans le vouloir sur une voie
rapide : un automobiliste s’arrête et me propose de m’extraire de là :
me restera 3 km en ville : Basilique Saint Martin, il pleut, je sonne ;
on m’attendait, on me propose un abri bien douillet . Plus tard, je fais
connaissance d’un pèlerin qui descend du train et prend la route demain ;
nous parlons du programme de demain : visite de la Cathédrale et départ
sur le chemin. Nous envisageons de faire route ensemble jusqu’à Saintes. Ce
soir vêpres à 18h et demain matin à 7h15 matines (avant le petit déj
à 8h). Ce soir au repas (à 19h) une dame nous parle de ses recherches sur l’instrument
de musique qu’utilisent les soeurs, sorte de harpe couchée. Nous descendons à
la crypte pour l’office : chants MAGNIFIQUES accompagnés par cet
instrument. A la sortie, les soeurs me parlent du travail à accomplir pour
atteindre ce résultat. Il est 20h30, je ne me suis jamais couché aussi tard...
Demain, expérience de marche à deux.
Après une brève visite à la Cathédrale de Tours pour faire
poinçonner la « Crédentiale », nous nous dirigeons vers le sud de
Tours pour traverser le Cher ; souvent, il n’est pas facile de s’extraire
des villes. Le temps de marche passe plus vite à deux ; je téléphone à un
hospitalier : la commune de Veigne peut nous recevoir dans un logement
simple mais propre, réservé aux pèlerins ; et c’est gratuit ! Merci à
la commune (qui escompte des retombées financières par les commerçants).
C’est
le premier jour de marche pour mon compagnon de route, du même âge que moi, style
bohème, mais vieux routard de Saint Jacques ; pour l’instant nous faisons
connaissance ; lui s’arrêtera à Saintes. Ce soir pâtes sauce bolognaise, yaourt
et une petite Heineken (c’est le week-end) : les ampoules ont disparu, du
mieux pour le pied, rien à signaler côté genou ; l’ambiance sur le chemin,
c’est vraiment particulier !
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